La tragédie des cheminots : la signification profonde des grèves ferroviaires françaises
Le plan Macron s’inscrit dans les politiques régressives des trente dernières années. Mais si le président de la République est bien l’exécutant zélé et enthousiaste de la libéralisation en cours, il n’en reste pas moins que la main de fer est celle de l’Union européenne qui n’a cessé de bombarder des directives « santé » depuis plusieurs années et a même ouvert une brèche contre le monopole de la Sécurité sociale. Le marché de la santé est juteux ! Il fait saliver les capitalistes depuis plusieurs décennies qui n’ont de cesse d’agir pour casser le service public de la santé. Leurs avancées sont considérables. La régression pour les patients et les personnels est catastrophique.
Même tactique partout : affaiblir, paupériser, réduire les périmètres du service rendu pour préparer les esprits à la mise totale sur le marché. Les cheminots en savent quelque chose, comme les postiers !
La réalité est là : les instruments de destruction de l’hôpital public proviennent des dogmes du capitalisme : financement des investissements par les marchés financiers et non plus par le pôle public, tarification à l’activité (T2A) depuis 2004, privatisation de toutes les fonctions supports qui ne sont pas censées faire partie du « cœur de métier » de l’hôpital, diminution de l’offre de soin par la mise en place des GHT (Groupements hospitaliers de territoire), « lean management » du personnel (65 à 70% des budgets hospitaliers) par la gestion par la peur et la flexibilisation.
La loi HPST (hôpital, patients, santé, territoire), dite loi Bachelot, adoptée en 2009, est en réalité la transposition de la directive Services de l’Union européenne. C’est elle qui régionalise (Agences Régionales de Santé), met en poste des gestionnaires à la tête des hôpitaux, et fait entrer l’hôpital dans un modèle d’entreprise.
Les résultats sont éloquents : l’hôpital public est financièrement à genoux ! Ses personnels, dont les effectifs sont réduits, aussi. Les patients sont moins bien pris en charge et incités à avoir recours aux cliniques privées.
Nous appelons les usagers à exprimer leur refus de la destruction de l’Hôpital public en manifestant le 22 mai aux côtés des fonctionnaires qui dénoncent la casse généralisée du service public. Le triste exemple de ce qui a été conduit en Grèce par l’Union européenne et le gouvernement de Tsipras doit nous inciter à ne pas laisser faire les néolibéraux et leurs valets !
I) La vérole des marchés financiers dans l’hôpital public
Dans les années 1960-1970, tous les investissements hospitaliers étaient financés par les circuits publics ou semi-publics : subventions de l’État, des départements, parfois des communes, prêt sans intérêt de la Sécurité sociale. A cette époque, l’hôpital public était capable d’autofinancer le reliquat. La grande loi Robert Debré (qui créa les CHU en 1959) et la construction-rénovation des hôpitaux publics et leur maillage furent financés ainsi sans problème.
Depuis les années 1980-1990, les hôpitaux publics sont contraints d’avoir recours aux marchés financiers, c’est-à-dire aux banques pour obtenir des prêts avec intérêts. Les subventions sont devenues marginales, lorsqu’elles existent. Le résultat a été éloquent : l’affaire Dexia et ses emprunts toxiques et le déficit quasi général des hôpitaux. La FHF (Fédération hospitalière de France), plutôt réformiste et collaborationniste, l’évalue à 1,5 milliard d’euros en 2017.
Les PPP (partenariats public-privé), tant vantés par l’Union européenne, instaurés en France en 2004 par ordonnance, contribuent eux aussi à l’appauvrissement des hôpitaux publics et à leur coût. Vu l'état du patrimoine hospitalier, qui souffre depuis longtemps de sous-investissement, Macron et Buzyn ne vont pas manquer de proposer ces contrats infernaux à toutes les directions hospitalières ! Il est vital de s'y opposer ! (1).
II) La tarification à l’activité (T2A), machine infernale de destruction du service public
Mise en place en 2004, avec le PMSI (Programme de médicalisation du système d’information), la T2A (tarification à l’acte) modélise les pathologies en GHM (Groupes homogènes de malades) et GHS (Groupes homogènes de soins). Il y en a plusieurs centaines et tous ont un tarif national. 70% des ressources de l’hôpital proviennent de la T2A. Ce système transforme l’hôpital public en entreprise productrice d’actes au détriment de la vocation hospitalière qui consiste en l’éducation thérapeutique, la prévention, le soin relationnel consacré au malade, ce qui demande du temps, les soins infirmiers.
L’hôpital public subit depuis quinze ans des injonctions financières contradictoires : produire un maximum d’actes en réduisant la DMS (Durée moyenne de séjour du patient) alors que tous les ans les tarifs des GHM diminuent.
III) La privatisation tous azimuts
Parallèlement on estime que l’hôpital public est incapable d’assurer ses « fonctions supports » : restauration, blanchisserie, maintenance, sécurité, voire laboratoire. Tous ces services autrefois très bien assurés par l’hôpital public sont bradés au secteur privé qui en fait son fromage au détriment de la qualité du service rendu et de la Sécurité sociale.
Bientôt l’hôpital n’aura plus rien de public et se contentera de coordonner les activités privées en son sein ! Déjà certains trusts privés se sont emparés de la chirurgie ou de l’obstétrique dans l’enceinte même de l’hôpital.
IV) La mise en place des GHT, instrument de la réduction de l’offre publique de soins
L’installation des Groupements hospitaliers de territoire (GHT) est pratiquement terminée. Elle a pour but obligatoirement de créer de grosses structures (une à deux par département selon la population) afin de regrouper les services, de transformer des centres hospitaliers en établissements de moyen et long séjour à moindre frais, ce qui a pour conséquence d’éloigner les structures et services MCO (Médecine spécialisée, chirurgie et obstétrique) et les SAU (Services d’accueil d’urgence) des usagers, et de diminuer l’offre d’hospitalisation publique. Pendant ce temps Macron supprime la généralisation du tiers payant (seule mesure progressiste de la loi Touraine de 2016), n’augmente pas significativement le Numerus Clausus qui rationne le nombre de médecins formés, maintient une tarification qui favorise le secteur privé à but lucratif.
Les PLFSS (Projets de loi de financement de la Sécurité sociale) programment, année après année, le démantèlement de l’hospitalisation publique !
V) Le management par la peur et la flexibilité
Après la destruction tentée du statut des cheminots, c’est le statut de la fonction publique hospitalière qui est visé.
Avec le « lean mangement » (2), c’est une mise en tension permanente des personnels qui est sciemment et froidement organisée : recours aux CDD et à l’intérim (20% des effectifs), gestion et mutualisation des personnels en « pôles » qui justifie qu’une infirmière ou une aide-soignante soit affectée aujourd’hui en neurologie et demain en cardiologie, puisqu’elle est censée être « polyvalente », au détriment de la qualité des soins.
Le « lean management » est directement responsable des tensions et du mal-être des personnels qui ont conduit jusqu’à l’impensable : le suicide de soignants ou de médecins pourtant dévoués à leur métier !
Depuis un an, le plan Macron de destruction de l’hôpital public, mis en œuvre par sa ministre Agnès Buzyn, utilise ces cinq instruments. Il n’y a rien à attendre de bon des projets de « réforme » de Macron-Buzyn, au contraire. Les GHT entraîneront la suppression de services entiers, voire d’hôpitaux déclassés ou absorbés. La modification du mode de financement prévu dans le PLFSS de 2018, vise à expérimenter le « bundle payment » importé du modèle états-unien des « accountable, care organization » c’est-à-dire des tarifs de « prise en charge globale » associant hôpital et médecine de ville (ou cliniques) dans un cadre conventionnel regroupant des acteurs publics ou privés, ce qui peut être une porte d’entrée pour les assurances privées qui sont à l’affût de cette manne dont l’essentiel leur échappe encore.
VI) Le démantèlement de la Sécurité sociale par la diminution des cotisations et leur remplacement progressif par la fiscalisation.
Le PLFSS 2018 prévoit des baisses substantielles et scandaleuses de cotisations patronales qui atteindront 65 milliards d’euros en 2018 et 85 milliards en 2019, au nom de la « libération des entreprises » comme le claironne Gattaz et le Medef.
Comme on le voit, le capitalisme néolibéral marchandise tout, même les biens les plus communs comme la santé ! Demain ce seront la Sécurité sociale, les fonctions publiques, les retraites, le SMIC, les congés payés…, toutes les conquêtes sociales du siècle dernier qui seront liquidées.
Il est temps qu’un coup d’arrêt soit signifié à cette équipe d’apprentis sorciers, porteurs de contre-révolution néolibérale !
Depuis quelques jours, en entendant par ex la sioniste France24 vanter la "révolution de velours" en Arménie, je me demandais ce qui se cachait derrière ces événements dans un pays stratégique et important pour la Russie. C'est fait ! "Nikol Pachinian à la tête du mouvement d’opposition a troqué son costume d’homme d’affaires occidental pour adopter celui du combattant du Haut-Karabakh, beaucoup plus populaire". Le "révolutionnaire" combattant la corruption, comme le corrompu Navalny en Russie, est un agent de l'Occident, des mondialistes, et il s'avèrera, ensuite, un adversaire de la Russie ! eva R-sistons
Quand neuf législateurs sur 105 mènent un mouvement de plus en plus violent pour renverser un gouvernement élu via ce qui est finalement devenu un coup d’Etat militaire de basse intensité, c’est normalement le signe inquiétant qu’une dictature, et non une démocratie s’annonce.
La révolution de couleur en Arménie a été une réussite, et le politicien hyper-nationaliste et oligarque au petit pied Nikol Pashinyan a pu faire pression sur l’ancien président et aujourd’hui ex-premier ministre Serzh Sargsyan pour qu’il démissionne, malgré l’insistance de ce dernier sur le fait que « une force politique [celle de Nikol Pashinyan] qui a fait 7-8% des voix dans cette élection, n’a pas le droit de parler au nom de la nation » et de « faire du chantage à l’État ». La fin de son gouvernement est arrivée rapidement après que ses nouveaux amis de l’UE l’aient trahi en exigeant la relaxe de Pashinyan et d’autres provocateurs arrêtés (y compris deux terroristes poseurs de bombes présumés), et que Sargsyan ait obtempéré. Cela a coïncidé avec des centaines de soldats sortant des casernes pour se joindre aux « manifestants », ce qui a déclenché des menaces de sévères sanctions légales à leur encontre par des représentants patriotes de l’armée.
Malheureusement pour l’ordre constitutionnel de l’État, le désormais ex-premier ministre a suivi les pas de son homologue Ukrainien Ianoukovitch et refusé de recourir à la force pour résoudre cette crise hybride, choisissant plutôt de démissionner plutôt que d’obéir au devoir légal espéré par sa population et de restaurer l’ordre dans les rues. Nous ne savons pas encore si les soldats conspirateurs ont été envoyés dans les rues par ceux de leurs commandants alignés sur le lobby de la diaspora arménienne basée en Californie, qui tente de téléguider la révolution colorée, ou s’il ont désobéi en masse à leurs supérieurs pour sortir dans les rues. Mais quelle que soit la réponse, cet incident démontre une fracture sérieuse dans les forces armées, qui continuera sûrement à être exploitée.
Cette combinaison de militaires « rebelles » dans les rues couplée à une minorité de politiciens hyper-nationalistes qui ont pris le contrôle de milliers de jeunes esprits, et fait du chantage à l’État pour qu’il accède à sa volonté de changement de régime, implique que l’Arménie ne verra pas ce qui est superficiellement considéré comme « la démocratie occidentale », mais, de façon inquiétante, elle pourrait voir la sorte de dictature dysfonctionnelle qui s’est formée chez sa voisine, l’Ukraine « révolutionnaire », dont « l’Euromaïdan » à Kiev, il y a cinq ans de cela, reflète fidèlement ce qui vient de se passer à Erevan.
Le point-clé est que l’Arménie va très probablement se tourner encore plus vite vers l’Occident qu’elle ne l’a fait jusqu’ici, avec sa diaspora californienne de type Gulen sur le point de prendre le pouvoir sur l’État à travers ses représentants locaux, et ses citoyens forcés d’accepter le remplacement de leur oligarques pro-russes par des oligarques pro-américains. La Russie a beaucoup à perdre avec ce qui vient de se passer, parce que les hyper-nationalistes de type Pravy Sektor pourraient tenter de rediriger la colère de la société contre le partenaire historique de l’Arménie aujourd’hui associé au président destitué Sargsyan, que le président Poutine avait félicité pour « son accession à ce poste de responsabilité qui réaffirme son autorité politique et le soutien de la population aux grande réformes prévues pour résoudre les défis socio-économiques de l’Arménie. »
Si « convaincants » soient les efforts de la puissante diaspora arménienne (et tout particulièrement celle de la Californie) pour présenter la dernière révolution de couleur de l’Amérique comme une « victoire pour la démocratie et pour le peuple », il ne faut pas oublier que Sargsyan a cédé à la pression de l’UE, tout comme Ianoukovitch l’avait fait, et a autorisé le renversement de son gouvernement par des forces politiques dont il avait lui-même dit hypocritement, 24 heures avant sa chute, qu’elles ne représentaient que 7-8% des voix et n’avaient « pas le droit de parler au nom de la nation » ou de « faire du chantage à l’État ». Nous ne pouvons que conjecturer sur ce qui a pu se passer entre-temps pour le faire changer aussi vite d’avis, bien que cela puisse avoir un rapport avec le coup d’État militaire mené par ce qui pouvait être des troupes « rebelles ».
Quoi qu’il en soit, la démocratie n’a pas gagné en Arménie – la dictature a vaincu – et l’avenir du pays n’a pas eu l’air plus sombre depuis bien longtemps, mais comme dans le sillage immédiat de « l’Euromaïdan », la majorité du peuple n’a pas encore réalisé ce qui s’est passé, et quelques-uns ne le réaliseront jamais.
Andrew Korybko
Paru sur Eurasiafuture sous le titre What Happened In Armenia Was A Defeat For Democracy
Traduction Entelekheia
Suite : L’anarchie arménienne est seulement bonne pour les USA
https://www.mondialisation.ca/maidan-reloaded-changement-de-regime-en-armenie/5625360
https://reseauinternational.net/larmenie-une-revolution-au-scenario-tres-bien-orchestre/
L’Arménie est sur le point d’accomplir une nouvelle révolution, comme l’Ukraine, en moins radical, mais qui promet d’être tout aussi destructrice pour le pays. Revendications au départ sociales, finalement prise de pouvoir de la rue, d’une minorité politique « qui veut changer les choses », mais refuse de s’embarrasser des règles démocratiques. Le 1er mai, le nouveau Premier ministre, l’homme fort du pays, doit être élu par le Parlement. Mais l’opposition de rue affirme déjà que si ce n’est pas son candidat, minoritaire, le mouvement ne sera plus pacifique. Comment a-t-on pu en arriver là? Retour sur la malédiction de l’espace post-soviétique.
Les contraintes spécifiques aux pays de l’espace post-soviétique et le cas arménien
Les pays de l’espace post-soviétique sont frappés de deux types de handicaps, qui freinent leur développement naturel: intérieures et géopolitiques. Qui sont liés.
Le système politique de ces pays n’arrive pas à prendre. Ils n’arrivent pas à développer un champ politique qui permette de mettre en évidence les véritables forces vives du pays. Les partis sont faibles, souvent personnalisés. La faiblesse de l’Etat est doublée par une administration dont l’efficacité laisse souvent à désirer et un envol socio-économique quelque peu relatif depuis la chute de l’Union Soviétique. Ce problème est renforcé par des dirigeants qui ont la plus grande difficulté à quitter le pouvoir. Le vide du système politique, objectif et (in)volontairement entretenu rendant chaque passation de pouvoir périlleuse.
Ces faiblesses ont été largement entretenues par les « conseillers » ès-démocratie, qui se sont emparés de ces pays au début des années 90 et dont l’effet positif à long terme des recommandations laisse perplexe. Ces pays sont passés de la tutelle soviétique à celle des Etat-Unis, soit directement soit par l’intermédiaire des organismes internationaux, l’Europe n’étant qu’une solution pragmatique (et géographique) de rechange pour beaucoup d’entre eux. Sur le plan institutionnel, l’on peut s’interroger, par exemple, sur la pertinence de modifier les régimes présidentiels de ces pays, ce qui correspond beaucoup plus à leur culture politique, en régime parlementaire lorsque les partis politiques sont si faibles.
Tel n’était pas le cas de l’Arménie. Son histoire et son implantation européenne, ses liens particulièrement forts avec la Russie, qui l’a toujours protégée des invasions diverses et variées de ses grands voisins, en ont fait un enjeu de taille pour le système atlantiste.
Ce n’est certainement pas pour rien que ce tout petit pays a l’une des plus grandes ambassades américaines au monde. Ne pouvant jouer sur la radicalisation comme en Ukraine, les différentes tentatives de révolution ayant échoué et les liens avec la Russie étant trop puissants (pour l’instant), le jeu a été mené par l’intermédiaire de l’OSCE, en s’appuyant sur les faiblesses humaines et institutionnelles.
La manipulation de Serge Sargsian
Serge Sargsian, ce Premier ministre qui vient de démissionner sous la pression de la rue a, d’une certaine manière, creusé sa propre tombe politique. Et il a été largement aidé.
Leader charismatique, il est issu du combat politique pour le rattachement du Haut-Karabakh à l’Arménie, dont il a été le député à la fin des années 80. Dans les années 90, il occupe diverses fonctions ministérielles, notamment à la Sécurité nationale. Puis il est nommé chef de l’Etat-major, avant d’être ministre de la Défense en 2000 et Premier ministre en 2007. Elu Président en 2008 au premier tour avec 52,82% des voix. L’OSCE confirme que les élections sont conformes aux normes internationales, mais le candidat ne plaît pas, il représente le clan de la force, le clan « pro-russe », qui s’oppose à un règlement du conflit au Haut-Karabakh en faveur de l’Azerbaïdjan, comme le veut le clan américano-turc. En plus il est légitime, fort du soutien populaire, donc difficilement manipulable. Or, l’Arménie est un gros morceau, un morceau qui résiste. Un allié indéfectible de la Russie. Une rupture idéologique.
Une première révolution de couleur est tentée en 2008 dès l’élection à la fonction présidentielle de S. Sargsian, menée par le premier président arménien, Levon Ter-Petrosian, rejoint par Nikol Pachinian, à la tête de l’actuelle tentative de coup d’Etat. Mais à cette époque-là, le président Sargsian est fort, légitime, la révolution qui durera du 20 février au 1er mars sera réprimée et ses leaders poursuivis en justice, condamnés et incarcérés.
Comprenant que l’attaque frontale ne marchera pas en Arménie, la tactique change et se reporte sur le front institutionnel: ce que tu ne peux détruire de l’extérieur, il faut l’infiltrer et le fissurer. L’OSCE lance alors un monitoring des procès des opposants politiques et « découvre » des imperfections dans le système judiciaire en particulier et institutionnel en général. Un travail de sape est mis en place, le rouleau compresseur est lancé. Aucun système n’étant formellement parfait, il toujours possible d’y travailler, la réalité de son fonctionnement n’intéressant pas les « réformateurs » européens « bien -intentionnés ».
Nikol Pachinian, leader de l’opposition, est alors condamné à 7 ans de prison. Mais des mouvements de rue sont régulièrement organisés et maintiennent une pression sur le pouvoir. En 2011, la libération des « prisonniers politiques » est demandée. Le pouvoir recule, Nikol Pachinian est libéré, il sera élu député en 2012 avec quelques autres opposants, très minoritaires au Parlement.
Le coup de génie de l’OSCE est de savoir exploiter au maximum les faiblesses humaines. Car pour qu’une mauvaise réforme prenne, il faut trouver l’individu au pouvoir qui peut y trouver son intérêt personnel. Serge Sargsian en est à son deuxième mandat et ne pourra être élu encore une fois. Or, il ne semble pas prêt à quitter le pouvoir. L’alternative se présente: mettre un autre candidat en poste ou bien changer les institutions et garder le pouvoir. Il a changé les institutions pour garder le pouvoir.
En 2014, il annonce alors la réforme constitutionnelle transformant l’Arménie en République parlementaire, qui sera adoptée en 2015, mais dont l’entrée en vigueur est reportée de trois ans, c’est-à-dire au moment de la fin du deuxième mandat de Sargsian. Pour sa part, il promet de ne pas se représenter au poste de Premier ministre, qui détiendra alors le véritable pouvoir. Mais son parti remporte les législatives et il est élu Premier ministre par le Parlement en avril 2018. Ce fut l’erreur. Une erreur parfaitement exploitée.
La transformation de Nikol Pachinian en candidat « acceptable »
C’est alors que la colère gronde, elle est bien canalisée par l’opposition qui promet de vivre mieux, comme en Occident, mais sans aucun programme économique. Comme en Ukraine, les déclarations anti-russes en moins.
Nikol Pachinian à la tête du mouvement d’opposition a troqué son costume d’homme d’affaires occidental pour adopter celui du combattant du Haut-Karabakh, beaucoup plus populaire. Nous sommes passés de ça:
Barbe de rigueur, casquette toujours vissée sur la tête, veste de camouflage, bref le vrai baroudeur qui va sortir l’Arménie des difficultés. Le Premier ministre Serge Sargsian a brusquement démissionné une semaine après son élection par les députés, mais ce n’est pas suffisant. Le Parlement « doit » nommer le candidat de la rue, c’est-à-dire Pachinian sous menace de faire dégénérer la situation.
Les leçons ont été tirées de l’Ukraine et de 2008. Pas de drapeaux étrangers – le mouvement doit être présenté comme « national », donc naturel. C’est ce que répète sans relâche Pachinian. Des garanties – verbales – également répétées en boucle affirmant que rien ne changera à l’égard de la Russie. Ce qui calme le voisin, et coupe toute possibilité de réactions.
Logiquement des élections anticipées auraient dû être organisées suite à la démission du Premier ministre, ce qui aurait permis de régulièrement régler cette crise politique. Mais la logique de la rue n’est pas une logique politique, c’est une logique « de guerre« . Il faut remporter la victoire à n’importe quel prix, c’est le droit du plus fort, donc la négation du droit.
Le Parlement va se prononcer demain, 1er mai. Le pouvoir, faible, continue à reculer. Après la démission de Sargsian, le parti majoritaire au Parlement n’a pas présenté de candidat, « pour ne pas envenimer la situation ». Finalement, le pouvoir créé un vide politique que l’opposition remplit par la force. Les manifestants restent dans la rue, pour faire pression. Quelques dizaines de milliers contre tout un peuple. La minorité hurlante va-t-elle réussir à prendre le pouvoir ? L’Arménie va-t-elle perdre son instinct de survie?
Karine Bechet-Golovko
source:http://russiepolitics.blogspot.fr/2018/04/larmenie-une-revolution-au-scenario.html
En avant le chaos, la "répression", et la prise en mains par les Atlantistes ! eva R-sistons
.
,
Refusons le dogme de l’ouverture à la concurrence !
L’ouverture à la concurrence est l’argument qu’on utilise en dernier pour justifier la réforme SNCF. Après la libéralisation des télécommunications, de l’énergie, avec les résultats que l’on sait.. http://www.pardem.org/actualite/luttes/833-refusons-le-dogme-de-l-ouverture-a-la-concurrence
La série actuelle de grèves ferroviaires en France est présentée dans les médias comme une « agitation ouvrière « , un conflit entre le gouvernement et les dirigeants syndicaux, ou comme une nuisance temporaire pour les voyageurs causée par l’intérêt personnel d’une catégorie privilégiée de travailleurs. Dans les médias anglo-américains, on trouve l’habituelle dérision des « mangeurs de fromage, toujours en grève ».
En réalité, la grève des conducteurs de train et autres employés de la SNCF (Société Nationale des Chemins de Fer) est un chapitre profondément significatif d’une tragédie sociale qui est en train de détruire la France telle que nous la connaissons.
Ce qui a fait de la France un pays où il fait bon vivre depuis plus d’un demi-siècle, ce n’est pas seulement la nourriture et les paysages. Par-dessus tout, ce sont les services publics – les meilleurs au monde. Le service postal, l’éducation publique, la couverture santé, les services publics, le service ferroviaire – tout était excellent, exemplaire. Il est vrai que le système téléphonique français a longtemps été loin derrière les autres pays développés avant de rattraper son retard, et il y a toujours eu des plaintes quant à la grossièreté dans les administrations, mais cela peut arriver n’importe où. L’important, c’est que grâce à ses services publics, la France a bien fonctionné, offrant des conditions favorables aux affaires et à la vie quotidienne. Lorsque les gens tiennent les bonnes choses pour acquises trop longtemps, ils commencent à ne pas s’en rendre compte au fur et à mesure qu’on les leur enlève.
Le programme du président Emmanuel Macron pour la destruction de la SNCF est un signal d’alarme. Mais il y a lieu de craindre qu’une grande partie du public ait déjà été plongé dans un sommeil trop profond pour être réveillé.
Il faut une longue histoire pour produire quelque chose d’aussi réussie que les services publics français. Cela remonte à la centralisation de l’État français au XVIIe siècle, associée au ministre des Finances de Louis XIV, Jean-Baptiste Colbert. La SNCF fut créée en 1938 par la fusion des différentes compagnies ferroviaires françaises en un monopole d’Etat dans le cadre des réformes sociales progressistes du Front Populaire. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les services publics ont reçu un élan décisif grâce à l’alliance paradoxale entre les ailes opposées de la Résistance française, les communistes et les gaullistes. Le général Charles de Gaulle, bien qu’anticommuniste, était le genre de conservateur (voir Bismarck) qui comprend que la force et l’unité d’une nation dépendent d’un minimum de justice sociale. Malgré une opposition ouverte sur de nombreuses questions, les gaullistes et les communistes se sont rassemblés dans un Conseil national unifié de la Résistance qui, en mars 1944, a adopté un programme appelant à une économie mixte combinant la libre entreprise avec des nationalisations stratégiques, ainsi que des programmes de sécurité sociale et des droits syndicaux. Ce programme de justice sociale a jeté les bases d’un développement économique extraordinaire, appelé Les Trente Glorieuses – les trente glorieuses années de paix et de prospérité. L’économie mixte française fonctionnait mieux que le communisme bureaucratique ou le capitalisme à but lucratif en termes de liberté, d’égalité et de bien-être humain.
Il est plus difficile de construire quelque chose que de le démolir.
Le putsch néolibéral de Thatcher a signalé la condamnation à mort des trente glorieuses et le début des quarante déshonorantes : la campagne persistante, idéologique et institutionnelle, pour détruire l’État social, des salaires et avantages sociaux réduits, et finalement transférer tout le pouvoir de décision aux mouvements du capital financier. C’est ce qu’on appelle le néolibéralisme ou la mondialisation.
La contre-révolution a frappé la France dans les premières années de la présidence du président socialiste François Mitterrand, amenant son gouvernement à changer de politique et à rompre son alliance du « programme commun » avec les communistes. Pour cacher son changement antisocial, le Parti socialiste a modifié sa ligne de conduite et opté pour l’ « antiracisme » et « la construction de l’Europe » (c’est-à-dire l’Union européenne), présentée comme le nouvel horizon du « progrès ». Le souci des travailleurs de maintenir le niveau de vie qu’ils avaient atteint au cours des dernières décennies fut qualifié de « réactionnaire », en opposition au nouveau concept de concurrence mondiale sans frontières, qualifié de nouveau « progrès ».
En réalité, la « construction européenne » a signifié la déconstruction systématique de la souveraineté des Etats membres, entraînant la destruction des systèmes de protection sociale renforcés par des sentiments de solidarité nationale pour lesquels il n’y a pas de substitut dans la vague abstraction appelée « Europe ». Petit à petit, l’Europe se voit priver de ses protections sociales et s’ouvre aux caprices de Goldman Sachs, aux rachats et fermetures industrielles, et au Qatar.
Les cheminots français ne se battent pas seulement pour eux-mêmes. Ils constituent les premières lignes de la bataille finale pour sauver la France des ravages de la mondialisation néolibérale.
Emmanuel Macron – protégé de la banque Rothschild, qui l’a aidé à rejoindre les rangs des millionnaires – présente sa « réforme » du chemin de fer comme une mesure d’ »égalité », en privant les cheminots de leur « statut privilégié ».
Des privilèges ? Les conducteurs ont une vie difficile, font de longues heures et passent peu de fins de semaine avec leurs familles. Les vies de millions de passagers dépendent de leur concentration et de leur dévouement. En échange, leur statut « privilégié » comprenait la sécurité de l’emploi et une retraite relativement précoce (privilèges que les riches peuvent s’offrir, et qui sont la norme dans les carrières militaires).
Les cheminots en grève protestent contre le fait qu’ils ne veulent pas être « privilégiés » mais souhaitent plutôt que ces « privilèges » soient étendus à d’autres. En tout état de cause, l’enjeu est beaucoup plus important que les salaires et les heures de travail.
Les services publics en France étaient plus que des biens de consommation. Pour des millions de gens, c’était une éthique, un mode de vie. Dans de nombreux pays, les services publics sont totalement sapés par la corruption et la négligence. Cela ne se produit pas lorsque les gens croient en ce qu’ils font. Une telle croyance n’est pas automatique : elle est historiquement acquise. Les cheminots français sont comme une famille élargie, unis par la croyance d’accomplir un devoir social essentiel. En fait, beaucoup font littéralement partie d’une « famille », car le métier de cheminot est souvent transmis de père en fils, avec fierté.
Cette dévotion au devoir social est plus qu’une attitude personnelle : c’est une valeur spirituelle qu’une nation devrait chérir et préserver. Au lieu de cela, elle est sacrifiée aux exigences du capital financier.
Comment ? Il y a maintenant un excès de capitaux qui s’éparpillent dans le monde entier à la recherche d’endroits rentables pour investir. C’est cela le « néolibéralisme ». Les entreprises ordinaires peuvent faire faillite ou, à tout le moins, ne pas réaliser de bénéfices pour les actionnaires. C’est pourquoi le secteur public doit être privatisé. L’avantage d’investir dans les services publics, c’est que s’ils ne gagnent pas d’argent, le gouvernement interviendra et les subventionnera – aux frais des contribuables !
C’est l’attrait de l’industrie de l’armement. Qui peut également s’appliquer à l’éducation, aux soins de santé, aux transports et aux communications. Mais le prétexte officiel est que ces services doivent être privatisés parce que cela les rendra « plus efficaces ».
C’est le grand mensonge.
Ce mensonge a déjà été exposé au Royaume-Uni, où la privatisation des chemins de fer a entraîné non seulement une détérioration du service, mais aussi des accidents mortels, d’autant plus qu’il n’y a pas de profit immédiat dans l’entretien des chemins de fer.
La fierté du travail bien fait était un facteur très sous-estimé de la montée du socialisme. Les artisans qui furent obligés par la montée du capitalisme d’abandonner leurs activités indépendantes pour devenir esclaves de l’industrie étaient souvent à l’avant-garde du mouvement socialiste au XIXe siècle. Cette fierté est un élément beaucoup plus stable de la cohésion sociale que les appels anarchistes, de plus en plus enfantins, à « détruire le système » – sans aucune alternative en vue.
Macron n’est qu’un pion. Ce n’est pas Macron qui a décidé de détruire le système ferroviaire français. Cela a été décidé et décrété par l’Union européenne, et Macron ne fait qu’exécuter les ordres. Il s’agit d’ouvrir le système ferroviaire à la libre concurrence internationale. Bientôt, des trains allemands, italiens, espagnols pourront partager les rails avec des trains français – ces mêmes rails dont l’entretien sera confié à une autre entreprise, y compris pour le profit. Le stress des cheminots sera accru par leur insécurité. Pour obtenir la marge bénéficiaire, les passagers devront inévitablement payer plus cher. Quant aux habitants des petites communautés rurales, ils perdront tout simplement leur service ferroviaire, parce qu’il ne sera pas rentable.
Exploité en tant que service public, le chemin de fer national a utilisé les bénéfices des lignes à fort trafic pour financer celles des zones rurales moins densément peuplées, offrant ainsi les mêmes avantages aux populations, où qu’elles vivent. Ce ne sera bientôt plus le cas. La destruction des services publics accélère la désertification des campagnes et la croissance des mégalopoles. Les hôpitaux dans les zones rurales sont fermés, les bureaux de poste fermés. Les charmants villages de France, auxquels s’accrocheront les derniers habitants âgés, vont s’éteindre.
C’est ça le programme de « modernisation » qui est en cours.
Dans la multitude de malentendus au sujet de de la France, on oublie le pouvoir hallucinatoire de termes tels que « moderne » et « progrès ». Les champions de la privatisation tentent d’hypnotiser le public avec ces mots magiques, tout en réduisant sournoisement les services afin de préparer le public à accepter les changements prévus comme des améliorations possibles.
Deux choses doivent être mentionnées pour compléter ce triste tableau. La première est que dans la foulée de sa privatisation, France Télécom a connu une vague de suicides d’employés – 39 en deux ans – certainement en partie à cause du stress et de la démoralisation, alors que des méthodes ont été introduites pour réduire la qualité du service et augmenter les profits. Quand la fierté dans le travail est détruite, le chemin est court vers l’indifférence, la négligence et même la corruption.
Un autre point à rappeler est la campagne de propagande menée il y a une vingtaine d’années pour dénigrer la SNCF pour son rôle dans la « déportation d’enfants juifs » vers les camps de concentration nazis. Accusation injustifiable puisque l’occupant Nazi avait réquisitionné les chemins de fer qui n’avaient pas leur mot à dire. De plus, les employés des chemins de fer (dont beaucoup de communistes) ont joué un rôle important dans la Résistance en sabotant les trains militaires – jusqu’à ce que l’armée de l’air des États-Unis pilonne la plupart des grandes gares françaises (ainsi que les alentours) pour se préparer à l’invasion de la Normandie. Cette calomnie contre la SNCF fut naturellement utilisée par les concurrents américains pour exclure les trains à grande vitesse français du marché américain.
Tandis que Macron augmente les impôts pour construire son complexe militaro-industriel, les seuls employés publics qui resteront bientôt pour bénéficier d’avantages sociaux et de retraite anticipée seront les militaires – dont la tâche ne sera pas de servir la France mais d’agir comme auxiliaire dans les guerres des États-Unis.
Jusqu’à ce que les soldats soient remplacés par des robots.
Diana Johnstone
.
voir aussi :
Avec les vrais chiffres du chômage de Mars 2018 = Pensez Printemps !
https://reseauinternational.net/avec-les-vrais-chiffres-du-chomage-de-mars-2018-pensez-printemps/