Blog de Chantal Dupille, pseudo eva R-sistons. Journaliste (aussi d'investigation, d'alerte), écrivain (auteur de 7 ouvrages), blogueuse. Politiquement incorrecte. Oser la vérité, anticiper, déranger. Libre pensée contre désinformation !
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Arié Alimi : « Une volonté de faire peur, de faire mal, de casser un élan de politisation de la jeunesse »
Entretien réalisé par Alexandre Fache
Jeudi, 31 Mai, 2018
Humanite.fr
Arié Alimi : « On est passé dans l’ère de la punition collective, dans une logique de soupçon généralisé.» Photo : Miguel Medina/AFP
Avocat au barreau de Paris et membre de la Ligue des droits de l'homme (LDH), Me Arié Alimi dénonce la stratégie d’intimidation mise en oeuvre par le gouvernement contre les jeunes arrêtés au lycée Arago, le 22 mai dernier.
Pourquoi la répression subie par les jeunes au lycée Arago constitue-t-elle un événement inédit, comme vous l’avez écrit dans une tribune récente?
Arié Alimi. Mettre autant de mineurs et jeunes majeurs en garde vue, aussi longtemps, prolonger ces gardes à vue, pour la simple occupation d’un lycée, en vue d’y tenir une assemblée générale, ne s’est, à ma connaissance, jamais vu. Autre aspect inédit: la violence exercée à l’encontre de ces jeunes. Pas physique, fort heureusement, mais psychologique: absence de notification de droits, placement pendant des heures dans un fourgon, sans boire, manger ou uriner, impossibilité de prévenir leurs parents… Or, on parle de mineurs, c’est-à-dire d’enfants, qui été confrontés pour la première fois à la violence de l’Etat. Cette injustice qui leur été faite a un retentissement d’autant plus fort qu’ils sont mineurs. Plus important, en tous cas, que pour un majeur qui serait habitué à la chose judiciaire. Cela en dit beaucoup sur la façon dont l’Etat perçoit cette jeunesse.
L’objectif, c’est de l’intimider?
Arié Alimi. Cela paraît évident. Lors des premières gardes à vue de beaucoup de ces jeunes, les policiers, et même le parquet, souhaitaient lever ces procédures. Mais des pressions politiques ont semble-t-il été exercées pour prolonger ces gardes à vue. Cela ressemble vraiment à de l’intimidation. Autre point qui soutient cette analyse: le fait que ces jeunes aient été déférés devant la justice. Ce n’est pas si courant que ça, dans le cadre d’une manifestation pacifique, qui plus est de lycéens mineurs. Certains ont été mis en examen. Beaucoup ont écopé de rappels à la loi. Des décisions prises par le procureur de la République, sans voie de contestation possible, et qui, même si elles ne sont pas inscrites au casier judiciaire, pourront être utilisées demain contre ces jeunes, et présentées comme des ‘antécédents défavorables’. Il y a eu dans cette affaire une volonté de faire peur, de faire mal, de casser un élan de politisation d’une génération qui se pose des questions.
Créées par une loi de 2010, les qualifications utilisées pour poursuivre ces jeunes (« participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations », « intrusion dans un établissement scolaire ») sont pointées du doigt. En quoi posent-elles problème?
Arié Alimi. Parce que l’utilisation qui en est faite est diamétralement opposée à ce qui était présenté comme leur vocation, au moment du débat parlementaire de 2010. A l’époque, Christian Estrosi, député UMP, avait vendu son texte comme un moyen de protéger les lycéens d’éventuelles agressions de ‘casseurs’. Huit ans plus tard, ce texte est utilisé massivement pour s’en prendre aux lycéens eux-mêmes, ou aux manifestants. A l’époque, bien sûr, on avait alerté sur ces possibles dévoiements. Ce qui s’est passé au lycée Arago en est l’illustration. C’est d’autant plus grave que les peines encourues sont lourdes: pour ‘l’intrusion’, jusqu’à trois d’emprisonnement, lorsque les faits sont commis en réunion, et 7500 euros d’amende; et un an de prison, et 15000 euros d’amende, pour la ‘participation à un groupement…’. Ce dernier délit est de plus en plus utilisé dans les manifestations, comme le 1er mai dernier, pour appréhender collectivement des personnes qui n’ont commis aucune dégradation ou violence, mais se retrouvent à proximité de ceux qui le font. On est passé dans l’ère de la punition collective, dans une logique de soupçon généralisé. Une logique qui tranche avec notre droit pénal, qui sanctionne normalement des faits individuels.
L’utilisation de ces textes est-elle nouvelle?
Arié Alimi. Plutôt oui. ‘L’intrusion dans un établissement scolaire’ a déjà été utilisée, de façon moins contestable, dans l’affaire de la fac de Montpellier, pour laquelle l’ex doyen est mis en cause. Mais, avec l’affaire du lycée Arago, on a franchi un cap. En revanche, l’infraction de ‘participation à un groupement…’ est déjà fréquemment utilisée, depuis des années. Dans une affaire pour laquelle j’avais plaidé, celle du quai de Valmy (dans laquelle une voiture de police avait été brûlée, e mai 2016 - NDLR), la plupart des mis en cause étaient poursuivis sur ce motif.
Le Défenseur des Droits va être saisi par les parents des lycéens poursuivis. Cela peut-il avoir du poids dans les procédures en cours?
Arié Alimi. A voir. Les décisions du Défenseur des droits sont toujours très justes, pertinentes. Le problème, c’est que le gouvernement n’en a rien à faire. Il ne l’écoute pas, pas plus que les autres organismes publics, comme la CNCDH, qui alertent sur des reculs des droits. Toutes ces institutions ne cessent de fustiger les pratiques du ministère de l’Intérieur, en vain. Sur les interpellations de mineurs, mais aussi sur les migrants ou le maintien de l’ordre. On a l’impression que le gouvernement fait même exactement l’inverse de ce que lui demande le Défenseur des droits, comme si cette politique répressive était la seule à pouvoir plaire à son électorat.
Beaucoup de procédures semblent entachées d’irrégularités. Vous allez jouer là-dessus?
Arié Alimi. Effectivement, il y a eu beaucoup d’irrégularités: notifications tardives de droits, parents, avocats, médecins pas prévenus… Tout cela devrait entraîner des annulations massives de gardes à vue. Ces jeunes seront-ils jugés néanmoins? C’est possible, car l’interpellation elle-même n’est pas forcément soumise à ces irrégularités. Il est possible qu’il y ait des condamnations. On verra ensuite quel sera le quantum de peines pour des poursuites qui sont plus de nature politique que judiciaire…
Vous avez défendu plusieurs lycéens victimes de violences policières devant le lycée Bergson, en mars 2016. Quel parallèle faites-vous avec l’affaire du lycée Arago?
Arié Alimi. Le parallèle est intéressant. Les violences policières devant le lycée Bergson ont donné lieu à deux procès différents. Fin 2016, le fonctionnaire que l’on voit frapper un lycéen sur une vidéo devenue virale, a écopé de 8 mois de prison avec sursis. Et la semaine dernière, un autre, poursuivi pour des violences hallucinantes, le même jour, devant le lycée, a été condamné à quatre mois avec sursis. Entre Arago et Bergson, le contexte est similaire: un blocus de lycéens. Sauf qu’à l’époque, on a envoyé des policiers non formés au maintien de l’ordre. Et ils ont fait n’importe quoi, en tapant sur des gamins. Avec Arago, on a vu une réponse beaucoup plus structurée, réfléchie, volontaire. Cette tentative de dissuasion a été travaillée par l’administration, c’est évident.
Le maintien de l’ordre dans les manifestations semble aussi avoir évolué…
Arié Alimi. Oui, on l’a vu le 1er mai dernier. Pendant longtemps, la doctrine était de maintenir une distance entre forces de police et manifestants, pour éviter au maximum le risque d’affrontements. Sous Nicolas Sarkozy, et encore plus sous Manuel Valls, pendant les mobilisations anti-loi travail, c’était tout l’inverse: une doctrine de la confrontation, et du contact, au risque de nombreux blessés. Depuis le 1er mai, on est revenu à la mise à distance, avec d’ailleurs le retour des canons à eau. Objectivement, c’est mieux. En revanche, cette stratégie s’accompagne aussi de dispositifs de nasse, de blocage des manifestations, et de plans de communication beaucoup plus élaborés contre ce qu’on appelle les ‘blacks blocs’.
Les lycéens d’Arago font-ils les frais de ces nouvelles stratégies?
Arié Alimi. Pas directement. En revanche, il y a clairement une volonté du gouvernement d’éviter que des mouvements d’opposition s’organisent dans la jeunesse. C’est la raison pour laquelle ils sont intervenus massivement dans toutes les universités mobilisées contre Parcoursup.
Cette affaire du lycée Arago peut-elle se retourner politiquement contre le gouvernement?
Arié Alimi. Difficile à dire. Dans les familles, comme plus largement dans l’opinion, elle a d’abord créé de la sidération. Personne ne pouvait s’attendre à un truc pareil. Ce n’est que trois jours après que beaucoup se sont dit: ‘c’est inacceptable, il faut se battre’. Mais pour ça, les familles doivent s’organiser, se regrouper, être aidées aussi, face à ce qui constitue une agression d’Etat. C’est en train de se faire. Le gouvernement ne devrait pas en être profondément destabilisé. Mais cela alimente une prise de distance d’une partie de l’opinion par rapport à l’action brutale de l’Etat.
Nous, lycéen·ne·s, appelons à manifester massivement contre Parcoursup et la sélection à l’université le Jeudi 07 Juin.
On nous avait dit qu’APB, le précédent système permettant de s’inscrire à l’Université, était défaillant, qu’il fallait changer radicalement. On nous avait dit qu’avec Parcoursup, tout serait différent. Pourtant, au soir des résultats, nous étions 400 000 jeunes sur le carreau. Avec un budget par étudiant en recul depuis de nombreuses années, et un baby-boom des années 2000 dans lequel aucun investissement n’a été fait pour permettre notre accueil, comment s’étonner ? Le résultat : plusieurs centaines de milliers de jeunes n’ont toujours pas reçu de proposition d’affectation.
Le gouvernement n’arrête pas de nous répéter que le système va « se ventiler », que tout le monde aura une proposition. Mme Vidal, ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, brasse de l’air ! Nous voyons bien qu’en réalité l’étau se resserre. Dans les lycées de banlieue, certaines classes n’ont eu aucune proposition d’affectation ! Des jeunes avec des dossiers scolaires excellents sont rejetés hors de l’Université en raison de leur lycée d’origine. Sommes-nous de trop ? Comme si en banlieue, nous n’avions pas le droit de décider notre avenir, et qu’il fallait au mieux s’accommoder d’un choix de filières subies, au pire être exclu de l’enseignement supérieur. Trop d’entre nous ont d’ailleurs déjà baissé les bras, en acceptant une filière non-voulue de peur d’être recalé.
En sélectionnant aussi brutalement, M. Macron tire vers le bas l’ensemble de notre système éducatif. Tant d’entre nous sont démotivés : on se demande à quoi sert le baccalauréat, après avoir vu les résultats de Parcoursup. Le gouvernement s’en prend à une valeur fondamentale : celle du droit à décider de son avenir. En assignant tout le monde à résidence scolaire, en nous empêchant de choisir, ce gouvernement détruit notre possibilité de nous découvrir, de nous émanciper et de devenir excellents dans un domaine, car passionné·e·s. Il s’en prend aussi à notre liberté d’expression : lorsque nous nous mobilisons, la seule réponse que l’on nous apporte, c’est la répression. On n’arrête pas de nous enseigner les valeurs de la démocratie. Le gouvernement s’en réclame. Et pourtant, quand on fait entendre une voix différente, on nous réprime violemment, comme à Arago ou des mineurs ont dû subir des gardes à vues prolongées et humiliantes.
Alors, parce que nous voulons défendre notre droit à décider de notre avenir, parce que nous sommes solidaires de nos ami·e·s sur le carreau, nous nous mobiliserons le 07 Juin. Pour le retrait de la loi ORE et un investissement à hauteur des besoins dans l’enseignement supérieur, contre la sélection à l’Université.
Vous ne déciderez ni de notre place dans la société, ni à notre place !
Liste des lycées signataires du Jeudi jeune (par département) :
Paris 75 : 19 lycées Lycée Racine, Paris 8e Lycée Voltaire, Paris 11e Lycée Hélène Boucher, Paris 20e Lycée Arago, Paris 12e Lycée Dorian, Paris 11e Lycée Claude Monet, Paris 13e : Lycée Bergson, Paris 19e Lycée Georges Brassens, Paris 19e Lycée Maximilien Fox, Paris 6e Lycée Gabriel Fauré, Paris 13e Lycée Abbé Grégoire, Paris 5e Lycée Henry IV, Paris 5 Lycée Charlemagne, Paris 4 Lycée Jules Ferry, Paris 9ème Lycée Lamartine, Paris 9ème Lycée Louis Le Grand, Paris 5ème Lycée Victor Hugo, Paris 3ème Lycée François Villon, 14ème Lycée Turgot, Paris 3
Seine et Marne 77 : 2 lycées Lycée Bachelard, Chelles 77 Lycée Balzac, Mitry 77
Essonne 91 : 5 lycées Lycée Geoffroy Saint-Hilaire, Étampes Lycée Vilgenis, Massy Lycée François Truffaut, Bondoufle Lycée Robert Doisneau, Corbeil Essonne Lycée Jean-Baptiste Corot, Savigny sur Orge
Hauts de Seine 92 : 2 lycées Lycée Paul Lapie, Courbevoie 92 Lycée Albert Camus, Bois Colombes 92
Seine Saint Denis 93 : 13 lycées Lycée Condorcet, Montreuil 93 Lycée Paul Eluard, Saint Denis 93 Lycée Paul Le Roland, Drancy 93 Lycée Jean Jaurès, Montreuil 93 Lycée Voillaume, Aulnay 93 Lycée Gustave Eiffel, Gagny 93 Lycée Blaise Cendrars, Sevran 93 Lycée Jean Rostand, Villepinte 93 Lycée Georges Brassens, Villepinte 93 Lycée Utrillo, Stains 93 Lycée Mozart, Le Blanc-Mesnil 93 Eugénie Cotton, Montreuil 93
Val de Marne 94 : 4 lycées Lycée Condorcet, Saint-Maur 94 Lycée Pablo Picasso, Fontenay-sous-Bois 94 Lycée Romain Rolland, Ivry-sur-seine 94 Lycée Georges Brassens, Villeneuve-le-Roi 94
Val d’Oise 95 : 2 lycées Lycée Julie victoire Daubié, Argenteuil Lycée René Cassin, Gonesse
Ailleurs en France : 12 lycées Lycée Marc Bloch, Strasbourg 67 Lycée Marie Curie, Strasbourg 67 Lycée Jean Monnet, Strasbourg 67 Lycée Emile Mathis, Strasbourg 67 Lycée Louis Pasteur, Strasbourg 67 Lycée Pontonniers, Strasbourg 67 Lycée Fustel de Coulanges, Strasbourg 67 Lycée Jean Rostand, Strasbourg 67 Lycée du Bois d’Amour-Poitiers 86 Lycée Camille Vernet, Valence 26 Lycée le Garros, Auch 32 Lycée Albert Triboulet, Romans sur Isère 26
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