La liberté guidant le peuple, en gilet jaune Delacroix
J’ai longuement hésité avant d’écrire ce billet, un de plus, un sans raison, à quoi bon rejoindre la cohorte des indignés ou des pleureuses, à quoi bon rajouter une larme dans un océan de pleurs ? Reste la colère, cette colère sourde qui n’est que le cumul d’un constat d’impuissance. Nous sommes face à un pouvoir autiste qui pense réforme, sans en donner de sens ni de cap. Un pouvoir qui conduit « un bateau ivre dont la quille finira par éclater ». (Arthur Rimbaud – Le bateau ivre)
Notre Nation va mal, la France heureuse qui croyait en son avenir, celle qui en dépit des difficultés et des injustices donnait de l’espoir aux jeunes générations, ils l’ont assassiné, celle qui croyait en une certaine égalité, ils la tronçonnent en divisant les citoyens, en catégories discriminatoires. Retraités et sous-retraités, salariés et sous-salariés, assistés et non-assistés, citadins et provinciaux, très riches et petits pauvres. La politique qui consiste à prendre dans la poche des pauvres car ils sont plus nombreux, pour soi-disant créer des emplois est devenu insupportable. Alors, la petite classe moyenne est condamnée.
Si vous faites partie des retraités, de surcroit cul-terreux de province, bientôt, pour faire vos courses, vous aurez le choix entre la trottinette et le taxi. Pire encore, tous les services passent par internet, y compris les services de l’Etat, alors si vous êtes vieux et que le mot geek, vous est totalement étrange et incompréhensible, c’est loin d’être gagné. Trouver une pharmacie dans certaines régions rurales, à moins de 10 km, devient une gageure, surtout si en 2020, privé de voiture il vous faudra l’atteindre en trottinette. Dans le Cantal et à 80 ans, ce n’est pas gagné, à la condition, bien entendu, que vous ayez eu la chance de trouver un médecin. Caricature ? Pas sûr.
Bienvenue au royaume de Kafka, vous êtes en France, pays qui à lui seul veut réduire le taux de carbone de la planète, alors que nous ne représentons que 2% de la population mondiale. C’est donc à la mamie qui fait allègrement ses 5000 km par an avec sa Citroën Visa, vieille de 15 ans, de faire l’effort, cette pollueuse !
Cet éparpillement de la société est voulu et organisé par le pouvoir, dont le langage provocateur, hors sol et méprisant, démonte ce qui reste du lien social en ouvrant toute grande la porte aux communautarismes. La nature ayant horreur du vide, ce communautarisme et ce danger sectaire islamiste, on n’en parle plus.
Les retraités sont considérés comme des inactifs qui ne rentrent plus dans le projet style start-up des macronistes, ils coûtent « un pognon dingue ! » Ils sont rejoints par tous ces laissés pour compte de la société qui freinent la construction du nouveau monde.
Ces gens-là, ça ne compte pas monsieur, ça ne compte pas (1). Vous qui roulez en diesel et dont la fin de mois commence le 15, achetez donc une voiture non polluante à 25000€ ! (cela reste à prouver). Tous les prétextes sont bons pour imposer une politique de rigueur au profit de quelques-uns, car les smicards resteront des smicards et la désindustrialisation est irrémédiable car à l’exception de très grandes entreprises, le tissu industriel des PME est bradé à la concurrence.
La France est scindée entre grande ville et banlieue, métropole et province, c’est une France éparpillée. Le Macronisme a atteint le point Godwin, il n’y a plus de débat possible, le Président et son Premier Ministre sont persuadés d’avoir raison à en perdre la raison.
Seuls, qu’il ne vous en déplaise, les très riches semblent échapper à cette hystérie discriminatoire. Le ras-le-bol fiscal n’est que l’épiphénomène d’un mouvement de fond mené par le Nouveau Monde, qui consiste à faire table rase du passé et construire un avenir où les puissances financières auront enfin la main sur les populations considérées comme des variables d’ajustement. La massification de la pauvreté est une nouvelle étape et la disparition des classes moyennes en cours une autre, afin de maintenir une classe de privilégiés, une société finalement assez proche de l’idéal stalinien, seul le vocabulaire est différent.
Pour toutes ces raisons, celles de ne pas être compris et d’autres encore, je me serais tu, en tout cas je n’aurais pas rendu publiques ces réflexions.
Puis, cette nuit j’ai reçu un mèl de la part d’un lecteur qui me disait :
« S'il vous plait à quand un article en accès libre si possible sur Macron, entre ses promesses, budget etc, et ce qu'il fait, hommage à Pétain, alors qu'il réforme le général Pierre De Villiers qui "gueulait " pour le budget aux armées.
N'y a t'-il pas matière à dénoncer ce "foutage de gueule" qui est aussi une méthode de gestion pour le patron de la nation start-up France? »
Alors finalement, j’ai écrit pour ce lecteur, puisque, quel que soit le sujet, je ne touche au mieux que le volume de la population d’un hameau, perdu au milieu d’un désert, alors autant écrire pour lui seul. Comme d’habitude, mon papier ne sera pas repris, ou si peu, les grands médias sont verrouillés pour les sans-grades.
Finalement, je m’aperçois que mon billet était tout prêt, tout chaud, tout craquant dans mon esprit, comme sorti du four. Alors, je réponds plus précisément à mon lecteur :
Les promesses de Monsieur Macron valent ce que vaut sa parole, pour le moins non maitrisée. La dernière en date est celle de la création d’une armée européenne, cette idée fédéraliste pour le moins, ne repose sur aucune réflexion de fond, et surtout est totalement irréalisable dans une Europe à 27. Le but étant de noyer le poisson des échecs de sa politique européenne, alors quitte à ne rien faire, autant placer la barre très haut, au risque de brouiller la relation de l’Europe avec les Etats-Unis. Le tweet vengeur de Trump ne s’est d’ailleurs pas fait attendre. En réaction à la déclaration de notre prince, «On ne protégera pas les Européens si on ne décide pas d'avoir une vraie armée européenne»- Il faut « nous protéger à l'égard de la Chine, de la Russie et même des États-Unis», le petit roitelet reçoit un camouflet. « De nombreux pays de l’Otan, que nous sommes censés défendre, non seulement ne tiennent pas leur engagement de 2% (ce qui est bas), mais depuis des années sont défaillants dans leurs paiements qu’ils ne versent pas. Vont-ils rembourser les Etats-Unis? ». Notre Président, qui a été incapable d’imposer la vente d’un seul Rafale en Europe contre le F35 américain et qui ampute à nouveau le budget de la défense de 450 millions en se parjurant, ferait mieux de réviser ses cours d’Histoire.
Pire encore, en s’alignant sur la politique américaine, qui coupe la Russie de l’Europe et qui la renvoie vers la tentation d’un rapprochement avec la Chine et la Turquie, alors que la Russie de tout temps à une vocation européenne, il commet une erreur fondamentale. Chaque fois que l’Europe a rejeté la Russie, chaque fois, la guerre fut inévitable et chaque fois, c’est l’Europe qui a perdu. La pensée dite complexe de BIBI finit par se complexifier à un point tel que sa communication est sinon brouillonne, pour le moins alambiquée. Etre trop intelligent, est parfois un obstacle. Par exemple, son évocation de Pétain est incompréhensible pour beaucoup de Français même si sur le fond il n’a pas forcément tort ; mais ce n’était pas le moment d’en rajouter sur un sujet aussi sensible, alors que l’on pointe du doigt la recrudescence des actes antisémites. Notre élu du peuple a une dimension temporelle qui lui échappe.
Face d’ailleurs à ce peuple, il n’a pas trouvé la bonne distance, le toucher d’épaule de l’interlocuteur est devenu un style, qui lui va si mal, s’il savait à quel point cela renforce son image de bobo condescendant. D’ailleurs, il ne répond jamais aux questions posées, mais propose des usines à gaz. Continuer à taxer le carburant tout en donnant une aumône à certains, démontre encore une fois qu’il gouverne en fractionnant les Français, on s’y perd.
Pourtant, Monsieur le président, le constat est simple : la taxation à outrance et tout azimut, ça suffit, votre politique de prendre dans la poche des uns pour donner aux autres est injuste et incompréhensible, en un mot et sans pensée complexe : cessez de nous prendre pour des jambons !
Je ne sais si j’ai répondu aux questions de mon lecteur, qu’il m’accorde au moins le satisfecit d’avoir tenté.
Le 17 novembre ne sera pas probablement le grand jour pour une révolution, mais la machine à croire les élites est cassée, définitivement cassée et Emmanuel Macron en est le grand rédempteur. La suite risque d’être dangereuse, mais avons-nous le choix ?
Roland Pietrini
(1) Faut vous dire Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne cause pas Monsieur
On ne cause pas on compte
Jacques Brel – ces gens-là-
Il faut croire que Macron est capable de transformer l’or en plomb. Depuis plus de trois mois, il va d’affaire en dérapage, en démontrant une capacité assez incroyable à mal gérer les crises et répéter les erreurs du passé (il n’y a qu’à « traverser la rue » pour trouver un emploi, ou l’attaque sur les retraités). Nouvelle démonstration avec le remaniement et son allocution totalement ratée.
Fond superficiel pour communication de pacotille
On sent bien que le président a entendu qu’il est vu comme un arrogant président des riches. Du coup, nous avons eu droit à une mise en scène assez ridicule, entre lumière artisanale et notes écrites raturées. Le président pense sans doute que ces artifices le rendront plus sympathique… Il a même fait semblant de se remettre en cause, en reconnaissant qu’il avait pu « choquer certains », mais cela viendrait de son « parler-vrai et sa détermination »… Derrière ce faux mea-culpa, il y a en réalité, et en filigrane, une critique des Français, de facto accusés de ne pas voir la réalité en face et d’être sans doute un peu réfractaires au changement qu’il est déterminé à amener à son pays…
Mais surtout, son intervention, versant dans le catastrophisme, était totalement à contre-temps. Parler de « temps troubles » aurait pu être appropriée après la faillite de Lehman Brothers ou au pic de la crise de la zone euro, mais là, cela était totalement décalé. Bien sûr, la situation est moins brillante que le gouvernement l’espérait au printemps, mais il n’y a pas eu de gros changements. Macron semble confondre la situation de la France, qui n’a guère changé, avec la sienne, passée d’une relative bienveillance à une solide hostilité. Bien sûr, sur le fond, il n’a pas tord, mais il n’y a pas de changement de nature profond, le président menant une politique de continuité avec le passé.
En outre, il est pour le moins paradoxal de souligner la gravité de la situation après un remaniement aussi dérisoire, principalement caractérisé par le remplacement d’un fidèle par un autre au ministère de l’intérieur et le remplacement de quelques seconds couteaux du gouvernement. Si la situation était si grave, cela ne devrait-il pas justifier un remaniement de grande ampleur ? Bref, Macron est totalement contradictoire dans son message, comme le montre également son appel à ne pas se soumettre aux choix financiers d’autres puissances ou de grandes entreprises, lui dont l’agenda s’aligne sur celui de l’Allemagne et des Etats-Unis ainsi que celui du Medef, sur les impôts et le droit du travail !
L’appel à la défense de notre souveraineté et à la maîtrise de notre destin est proprement risible dans le cadre de l’Union Européenne, outre le fait d’être encore une fois totalement contradictoire avec l’agenda profondément anti-national de cette présidence. En somme, Macron dit tout et son contraire, comme un acteur qui ferait un gloubi-boulga de textes de philosophies complètement différentes sans même sembler se rendre compte des contradictions de son discours. Ce faisant, il ne cherche qu’à embrouiller les citoyens en y ajoutant une louche de compassion pour tenter de faire moins éloigné des Français tout en essayant de faire peur pour susciter l’indulgence dans la difficulté…
Mais sur le fond, Macron est droit dans ses bottes. Derrière sa pseudo-humilité, alors qu’il est extrêmement Impopulaire, il promet de continuer dans la même direction, en accélérant. Et pour couronner le tout, il se referme sur son clan et trouve le culot de nommer un ministre de l’intérieur au lourd passif, qui faisait un effarant parallèle entre le voile islamique et la mantille catholique.
18 10 2018